Prévention de la dégradation du bâti à Paris
Résultats 2021

En parallèle des 5 000 signalements adressés chaque année par les Parisiens aux services de la Ville de Paris concernant des difficultés dans leur logement, l’Apur constitue la liste des immeubles présentant des facteurs de fragilité qui justifient une vérification de l’état de leur bâti dans une démarche préventive. Le nombre d’immeubles identifiés baisse régulièrement depuis plusieurs années : 148 immeubles en 2021.

Paris 10e © Apur

Depuis 2008, la Ville de Paris et l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) mènent en commun une démarche de prévention de la dégradation des immeubles d’habitation à Paris. L’Apur constitue ainsi annuellement une liste d’immeubles parisiens d’habitat privé dont les caractéristiques nécessitent une vérification de leur état. Chaque année, entre 150 et 300 immeubles sont signalés à la Direction du Logement et de l’Habitat (DLH) de la Ville de Paris de manière préventive, en plus des 5 000 signalements de risques dans l’habitat effectués directement par les usagers à la DLH. Au total, 1 278 immeubles ont été identifiés via cette démarche depuis 14 années.

Face à de nombreuses situations d’insalubrité et de péril au début des années 2000, la Ville de Paris a mené un plan de grande ampleur de 2002 à 2018, qui a permis de traiter près de 2 200 immeubles¹. Même si ce plan a permis de résorber la grande majorité des situations d’habitat indigne, chaque année quelques immeubles dégradés basculent dans l’insalubrité ou le péril et d’autres, fragiles, rencontrent des difficultés significatives, qui, à terme, pourraient les y conduire. Cela explique la persistance de plusieurs dispositifs de lutte contre l’habitat indigne et une vigilance en continu de la part de la puissance publique.


Une action préventive qui s’ajoute aux outils de lutte contre l’habitat indigne

Afin de lutter contre l’habitat indigne, la Ville et la Préfecture de Paris mettent en œuvre leurs pouvoirs de police administrative, en particulier en prenant des arrêtés de péril ou d’insalubrité. Ainsi, au cours de l’année 2020, le Service Technique de l’Habitat (STH) de la Ville de Paris a reçu environ 4 900 signalements de la part de Parisiens concernant leur immeuble, ou provenant des acteurs publics de l’habitat. Parmi ces immeubles, environ 500 ont nécessité une procédure administrative : une soixantaine d’interventions en extrême urgence, 330 situations présentant un risque sanitaire ou sécuritaire dans le parc privé et le parc social (70 situations d’insalubrité et 260 d’insécurité bâtimentaire) et 170 situations présentant des infractions au titre du Règlement Sanitaire Départemental (désordres d’hygiène). En parallèle, d’autres polices municipales sont mises en œuvre, concernant plus spécifiquement le ravalement des façades et la présence de termites. Dans le cas de comportements délictueux et abusifs (marchands de sommeil par exemple), une réponse pénale est aussi mise en œuvre. La Ville signale les dossiers au Parquet et se constitue aussi partie civile, menant à plusieurs reprises des procédures pénales emblématiques.

La Ville de Paris continue également de mener des dispositifs d’accompagnement confiés à des opérateurs spécialisés. Ainsi, une action incitative d’aide aux travaux est mise en œuvre au travers de la cinquième Opération d’amélioration de l’habitat dégradé (OAHD qui porte sur la période de janvier 2020 à décembre 2023). Au 31 décembre 2021, 135 immeubles sont pris en charge dans le cadre de ce dispositif, soit par les opérateurs Soliha et Urbanis, lorsqu’un potentiel gain de performance énergétique est identifié, soit par la Soreqa, lorsque l’immeuble est très dégradé et nécessite un programme de travaux lourds.

Pour les immeubles les plus dégradés, insalubres et/ou en péril, la Ville peut engager une stratégie d’appropriation publique également confiée à la Soreqa (fin 2021, le périmètre de la concession d’aménagement confiée à la Soreqa pour la lutte contre l’habitat indigne concerne 76 adresses, dont 54 en appropriation publique et 22 en suivi incitatif).

À ces outils de traitement des situations d’habitat indigne ou dégradé, s’ajoute une politique de prévention menée depuis 14 ans par l’observatoire de la prévention de la dégradation du bâti, animé par l’Apur. Son objectif est d’identifier les immeubles présentant un potentiel risque de dégradation afin de permettre une intervention publique la plus en amont possible. La méthode repose sur la sélection, la pondération et le croisement d’un ensemble d’indicateurs, relatifs à la typologie des immeubles, à la qualité de leur bâti et son entretien, ainsi qu’aux caractéristiques de leur gestion et de leur occupation. La liste de ces immeubles permet ensuite d’orienter une partie des contrôles de terrains opérés par le Service Technique de l’Habitat (STH) de la Ville de Paris, en complément des contrôles réalisés après instructions des près de 5 000 signalements émanant des usagers.

Ainsi, les adresses identifiées par cet exercice de repérage ne correspondent pas à des immeubles dans un état de dégradation avancé. Ce sont des immeubles qui présentent certains facteurs de fragilité justifiant dans le cadre d’une démarche préventive une vérification de leur état afin, le cas échéant, de remédier aux problèmes du bâti dès les premiers signes de dégradation.


148 immeubles identifiés en 2021 à partir de 13 indicateurs

L’analyse croisée des indicateurs fait ressortir 148 immeubles qui cumulent différentes fragilités, justifiant une surveillance particulière de la part des services techniques municipaux, sans que leur état soit nécessairement problématique².

En 2021, la liste des indicateurs utilisés pour déterminer les immeubles à surveiller a été enrichie de deux nouveaux indicateurs. L’un est lié à une forte présence de logements durablement vacants (c’est-à-dire vacants depuis plus de 2 ans) dans un immeuble. Cette information a été obtenue à partir du fichier LOVAC mis à disposition des collectivités par l’État dans le cadre du plan national de lutte contre les logements vacants³. Un deuxième indicateur a été ajouté à partir de la liste des immeubles qui font l’objet d’une procédure (arrêté d’injonction ou arrêté de sommation) pour mise en œuvre de travaux de ravalement de leur façade. En outre, l’indicateur concernant les immeubles placés sous administration judiciaire a été réintégré à l’observatoire (après sa sortie en 2020 du fait d’une absence de mise à jour de la donnée cette année-là). Par ailleurs, l’ensemble des immeubles d’habitat privé ont été pris en compte pour constituer cette liste et non pas seulement les immeubles construits avant l’année 2000, comme les années précédentes. Seuls deux immeubles construits après 2000 ont cependant été identifiés comme potentiellement fragiles par l’observatoire cette année.

L’ensemble des données utilisées ont été récupérées et traitées à l’échelle de l’adresse (ou de la parcelle quand un même immeuble correspond à plusieurs adresses, étant situé à un angle de rue par exemple). Il s’agit pour le reste des indicateurs des mêmes données que celles transmises en 2020, qui ont été actualisées par l’ensemble des partenaires de l’observatoire.

Les indicateurs utilisés sont :

  1. Une forte concentration de petits logements locatifs (source : fichiers Majic III au 1er janvier 2020, Direction Générales des Finances Publiques) = 2 points ;
  2. L’existence d’une mise en demeure prise au titre du Code de la Construction et de l’Habitation (CCH) et notamment des articles sur les polices générales d’urgence, le péril ou l’insécurité ordinaire des équipements (source : Service Technique de l’Habitat de la Ville de Paris au 1er janvier 2021) = 2 points ;
  3. L’existence d’une mise en demeure au titre du Règlement Sanitaire Départemental (RSD) (source : Service Technique de l’Habitat de la Ville de Paris au 1er janvier 2021) = 2 points ;
  4. Une facture d’eau collective impayée (source : Eau de Paris au 1er janvier 2021) = 1 point ;
  5. Un pourcentage de demandeurs de logement social supérieur à 15% des ménages résidents (source : Service du Traitement de la demande de Logement de la Ville de Paris au 1er janvier 2021) = 1 ou 2 points ;
  6. Un diagnostic plomb positif en parties communes ou privatives, après signalement à la Mission saturnisme (source : Mission saturnisme, direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL) entre 2004 et le 1er janvier 2021) = 1 point ;
  7. Le fait que l’immeuble soit un ancien hôtel meublé (source : enquêtes Apur 2000, bases de données de l’observatoire des hôtels pratiquant de l’hébergement d’urgence à Paris de 2007 à avril 2016, Préfecture de Police de Paris de 2017 à 2021) = 1 point ;
  8. Le constat de la présence de termites au moins une fois depuis que l’information a été récupérée en 2012 (source : Service Technique de l’Habitat de la Ville de Paris au 1er janvier 2021) = 1 point ;
  9. Plusieurs interventions des Sapeurs-Pompiers de Paris durant une même année (source : Sapeurs-Pompiers de Paris entre le 1er janvier et le 31 décembre 2020) = 1 point ;
  10. Un endettement concomitant des copropriétaires (33% de copropriétaires endettés d’au moins 300 € vis-à-vis de la copropriété) et de la copropriété (les dettes de la copropriété auprès de ses fournisseurs représentent au moins 50% de son budget annuel de fonctionnement) (source : Registre national des copropriétés, avril 2021) = 2 points ;
  11. La désignation par le juge (du Tribunal de Grande Instance) d’un administrateur provisoire (source : Registre national des copropriétés, avril 2021) = 2 points ;
  12. Une forte présence de logements durablement vacants dans l’immeuble (au moins 33% de logements durablement vacants, ce qui doit représenter au moins 2 logements vacants à la même adresse) (source : fichier LOVAC 2020, DHUP) = 2 points ;
  13. L’existence d’un arrêté d’injonction ou de sommation concernant des travaux de ravalement (source : Service Technique de l’Habitat de la Ville de Paris au 1er décembre 2021) = 1 point.


Un nombre d’immeubles identifiés en baisse malgré l’ajout de nouveaux indicateurs

En 2021, 148 immeubles ont été identifiés comme présentant des fragilités qui justifient une surveillance de la part de la puissance publique. Ce chiffre est le plus bas depuis la création de l’observatoire en 2008, malgré l’ajout de plusieurs indicateurs (voir graphique ci-dessous). Il est en baisse de 23 % par rapport à 2020 (192 immeubles avaient été identifiés).

Une part de cette baisse peut être attribuée à la diminution du nombre d’immeubles touchés par certains indicateurs, comme les mises en demeure au titre du Code de la Construction et de l’Habitation (CCH) et du Règlement sanitaire départemental (RSD). Cela est notamment dû au contexte exceptionnel de crise sanitaire liée à la Covid-19, qui a obligé les équipes du STH à réduire le nombre d’enquêtes réalisées et prioriser leur action sur certaines situations les plus à risque. Ainsi, au 1er janvier 2021, seuls 227 immeubles du parc privé sont concernés par une procédure de sécurité bâtimentaire au titre du CCH engagée au cours de l’année 2020, contre 419 l’année précédente. Dans le même temps, 106 immeubles sont concernés par une mise en demeure au titre du RSD au 1er janvier 2021, alors qu’ils étaient 454 l’année précédente (voir tableau plus bas).
La diminution du nombre d’immeubles identifiés dans le parc privé montre aussi la poursuite de l’amélioration du bâti à Paris, notable depuis plusieurs années, ce qui se traduit par la baisse régulière du nombre d’immeubles repérés par l’observatoire.

En ce qui concerne les nouveaux indicateurs, près de 1900 immeubles sont concernés par un arrêté d’injonction ou de sommation pour travaux de ravalement de leur façade à Paris. Le ravalement des façades est obligatoire tous les 10 ans à Paris et un contrôle de l’état des façades est réalisé régulièrement par les services de la Ville de Paris. Autre indicateur intégré cette année à l’analyse, la présence de plusieurs logements vacants à une même adresse. 320 immeubles parisiens comprennent plus d’un tiers de logements vacants. Enfin, 45 immeubles sont placés sous administration judiciaire du fait de leurs difficultés de gestion (voir tableau plus bas).

Par ailleurs, au sein des immeubles identifiés, le poids des difficultés continue de diminuer. En 2021, 101 immeubles sur 148, soit 68% des immeubles « à surveiller » ne comptent que 5 points, contre 62% en 2020. Seuls 6% des immeubles identifiés par l’observatoire en 2021 comptent 7 points ou plus, contre 8% en 2020 et 20% en 2008 au lancement de l’observatoire.

Évolution du nombre d’immeubles identifiés par la démarche de prévention de 2008 à 2021 © Apur


La moitié des immeubles identifiés située dans les 17e, 18e et 19e arrondissements

La répartition géographique des immeubles montre une concentration dans les arrondissements du nord et de l’est parisien. Ainsi, 73 immeubles sur 148, soit 49% des immeubles, se situent dans les trois arrondissements du nord de Paris (17e, 18e et 19e). À lui seul, le 18e arrondissement concentre 22% des immeubles identifiés (contre 29% en 2020). Quant aux cinq arrondissements du nord-est (10e, 11e, 18e, 19e, 20e), ils regroupent 54% des immeubles, contre plus de 70% en 2019 et 2020.

Ainsi, les immeubles sont un peu plus également répartis que les années précédentes à l’échelle parisienne. À titre d’exemple, 3 immeubles ont été identifiés dans le 8e arrondissement, qui était jusqu’alors le seul arrondissement où aucun immeuble n’avait été repéré par la démarche de prévention depuis sa création en 2008. Cela est directement dû à l’introduction de nouveaux indicateurs : sur ces 3 immeubles dans le 8e arrondissement, un est touché par l’indicateur sur les arrêtés pour travaux de ravalement, un immeuble est touché par l’indicateur concernant la forte présence de logements vacants, et le troisième immeuble est concerné par ces deux nouveaux indicateurs.

Cependant, les quartiers qui concentrent le plus d’immeubles « à surveiller » restent les mêmes que d’habitude : les quartiers des Épinettes (17e), de la Goutte d’Or et de la Chapelle (18e), ainsi que le quartier autour des rues de Crimée et de l’Ourcq à l’ouest du canal de l’Ourcq dans le 19e arrondissement (voir carte ci-dessous). Ces quartiers sont aussi ceux qui concentrent le plus d’immeubles qui ont été déjà repérés l’année précédente. Les immeubles nouvellement identifiés, eux, se répartissent plus également sur le territoire parisien, notamment à Paris Centre, ainsi que dans les 11e et 20e arrondissements.

Les immeubles identifiés par la démarche de prévention en 2021 © Apur


Des immeubles majoritairement anciens

Les immeubles repérés regroupent 3 854 logements au total. Ils sont un peu plus grands que la moyenne des immeubles privés parisiens, puisque chaque immeuble compte en moyenne 26 logements (contre 22 dans les immeubles du parc privé parisien). À titre de comparaison, en 2020, les immeubles repérés comptaient en moyenne près de 42 logements. Ainsi, l’ajout de nouveaux indicateurs, couplé à la diminution du nombre d’immeubles touchés par certains indicateurs traditionnels (procédures de sécurité bâtimentaires au titre du CCH ou du RSD), peut avoir influencé les caractéristiques des immeubles repérés en 2021, qui sont légèrement différentes des années précédentes.

Les immeubles repérés sont majoritairement des copropriétés (73%). Cependant, la liste des immeubles comprend une forte proportion d’immeubles détenus par un seul propriétaire : 40 monopropriétés, soit 27% des immeubles repérés. À titre de comparaison un peu moins de 15% des immeubles privés parisiens appartiennent à un propriétaire unique. Les propriétaires d’immeubles entiers se répartissent presque équitablement entre particuliers (19 immeubles) et personnes morales (21 immeubles).

Les immeubles repérés par la démarche de prévention sont majoritairement des immeubles anciens. Sur les 148 immeubles identifiés, environ 9 sur 10 ont été construits il y a plus de 100 ans, contre environ 8 sur 10 dans l’ensemble du parc privé parisien.

La plupart des concentrations d’immeubles repérés par la démarche de prévention se situent dans les quartiers populaires parisiens. Cela s’explique principalement par deux facteurs de dégradation : la qualité de construction modeste du bâti ancien (immeubles de faubourgs), ainsi que les caractéristiques de l’occupation, une mauvaise santé financière des copropriétés pouvant entraîner un sous-entretien de ces immeubles. L’habitat indigne faisant souvent office de parc social de fait, la prévention et le traitement de ce phénomène sont des enjeux sociaux autant qu’immobiliers.

Facteurs de fragilité dans les immeubles du parc privé parisien © Apur

D'autres tableaux sont disponibles dans la note à télécharger, ainsi que des cartes illustrant chacun des indicateurs.


97 nouveaux immeubles identifiés par rapport à l’année précédente

Parmi les 148 immeubles identifiés par l’observatoire en 2021, 51 étaient déjà présents dans la liste de l’année précédente et sont donc déjà connus du Service Technique de l’Habitat (STH), en charge du suivi du parc privé. 97 « nouveaux » immeubles ont ainsi été repérés en 2021, soit près des deux tiers (66%). Toutefois, en cumulant les adresses identifiées en 2020, 2019 et 2018, la part de nouvelles adresses passe de 66% à 56%. En effet, la plupart des immeubles identifiés par l’observatoire ressortent plusieurs années. À titre d’exemple, 15 immeubles parmi les 148 identifiés en 2021 l’ont été chaque année depuis 2017.

Par ailleurs, parmi les 148 immeubles repérés en 2021, 44 immeubles ont déjà été traités dans le cadre de la politique de lutte contre l’habitat indigne ou dégradé menée de 2002 à 2018. Ce résultat montre que malgré la réalisation de travaux de réhabilitation accompagnés par la puissance publique, ces immeubles peuvent rester fragiles et que la résolution des difficultés rencontrées peut souvent prendre plusieurs années.

Un enjeu de l’amélioration du bâti qui prend de plus en plus d'ampleur : la performance énergétique des logements

Alors que le bâti parisien semble globalement moins dégradé qu’il y a vingt ans, même si des situations d’habitat indigne ou de mal logement diffuses persistent, un enjeu prend de l’ampleur à l’échelle nationale comme locale : celui de la performance énergétique des logements. Celle-ci désigne la quantité d’énergie dont un logement a besoin pour être chauffé, éclairé, ventilé, etc.

À Paris, la grande majorité des logements se trouvent dans des immeubles construits avant les premières réglementations thermiques et se caractérisent par des niveaux de performance énergétique médiocres, en partie compensés par la petite taille des logements. Dans ce contexte, les copropriétés intéressées par une démarche de rénovation énergétique peuvent bénéficier d’un accompagnement via l’Agence Parisienne du Climat, guichet unique pour toutes les copropriétés parisiennes, et d’une aide au financement des travaux, dans le cadre du dispositif incitatif « Eco-Rénovons Paris ». Celui-ci a été lancé en 2016 par la Ville de Paris sous la forme d’un programme d’intérêt général (PIG) dont la mise en œuvre a été confiée aux opérateurs spécialisés dans l’accompagnement de copropriétés, auparavant plutôt sous l’angle de la lutte contre l’habitat indigne (Urbanis et Soliha).

L’amélioration de la performance énergétique est aussi un dispositif qui a des retombées positives dans le cadre de la lutte contre l’habitat dégradé, puisque les diagnostics réalisés révèlent parfois des situations de dégradation qui n’auraient pas été repérées sinon. L’OAHD 5 intègre aussi des objectifs d’amélioration de la performance énergétique des immeubles accompagnés.

De surcroît, une thématique relie habitat indigne et performance énergétique, c’est la précarité énergétique. Ce terme désigne la situation d’une personne qui éprouve des difficultés à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à ses besoins élémentaires dans son logement, du fait de ses ressources ou des caractéristiques de son habitat. Bien que le parc de logement francilien (et notamment le parc parisien) présente de médiocres performances énergétiques par rapport au reste de la France au regard du DPE, le montant annuel de dépense de chauffage par logement y est l’un des plus faibles de France. Cela s’explique par les caractéristiques du bâti : logements de petite taille, habitat dense et situé au cœur de l’îlot de chaleur urbain. Cependant, en 2013, 727 200 ménages franciliens (soit 1 735 900 personnes) ont déclaré avoir « souffert du froid au cours de l’hiver précédent pendant au moins 24 heures » en raison d’un équipement insuffisant, d’une limitation du chauffage en raison de son coût ou de la mauvaise isolation du logement, signe que la précarité énergétique touche une proportion non négligeable des franciliens.

La précarité énergétique peut aussi mener directement à des situations menaçant la santé ou la sécurité des occupants d’un logement : froid, humidité, ou bien solutions de chauffage à moindre coût dangereuses pour la ventilation de l’air ou générant des risques d’incendies. En 2021, l’observatoire de la prévention de la dégradation du bâti à Paris n’intègre pas d’indicateur directement en lien avec cette thématique, du fait de l’absence de données exploitables, mais cela constitue un axe de travail pour les années à venir.

 


Les suites opérationnelles réalisées sur les immeubles repérés par l’observatoire en 2020

Suite à l’exercice 2020, 192 immeubles d’habitat privé avaient été signalés au Service Technique de l’Habitat (STH) de la Direction du Logement et de l’Habitat (DLH) de la Ville de Paris en raison d’une présomption de risque de dégradation de leur bâti. Parmi les 192 immeubles identifiés, 69 ne nécessitaient pas d’expertise car ils étaient déjà connus du STH. Parmi les 123 nouvelles adresses, 81 devaient faire l’objet d’une expertise complète, tandis que 42 autres immeubles, qui avaient été concernés par une expertise plusieurs années auparavant, devaient juste faire l’objet d’une « actualisation », c’est-à-dire d’une visite de contrôle pour évaluer l’évolution de leur état.

Cependant, en 2021 comme en 2020, la totalité de ces expertises techniques n’a pas pu être menée. Du fait de la crise sanitaire, le STH a dû réorganiser ses activités autour de ses missions prioritaires afin de traiter les situations signalées et relevant potentiellement d’un risque pour la santé ou la sécurité des occupants. En conséquence, seules 86 expertises ont été faites (55 nouvelles visites et 31 actualisations).

En amont des nouvelles visites réalisées par le STH dans les immeubles, chaque syndic ou propriétaire d’immeuble a été identifié et un questionnaire leur a été adressé. L’objectif de cette démarche est notamment d’informer les syndics et les propriétaires que leur immeuble fait l’objet d’un suivi, de les associer à la demande, préparer la visite de terrain, et identifier les éventuelles difficultés techniques, financières et juridiques auxquelles est confronté l’immeuble.

Le questionnaire préalable à la visite de terrain, envoyé pour les 55 nouvelles visites, a obtenu 26 réponses, soit un taux de réponse de 47%.
Selon les réponses fournies au questionnaire :

  • 12 immeubles indiquent qu’ils ont besoin de réaliser un programme de travaux,
  • 14 immeubles font part d’impayés au sein de leur copropriété,
  • 5 immeubles indiquent que le syndic et la copropriété sont confrontés à certains blocages juridiques dans la bonne réalisation de leurs missions.

Au total, 19 immeubles (sur les 26 répondants) indiquent au moins une de ces trois difficultés.
Dans le cadre de la visite de terrain, le STH effectue une expertise technique des immeubles identifiés et établit un rapport. Pour chaque bâtiment de l’immeuble, une grille d’insalubrité des parties communes est renseignée ainsi qu’une fiche synthétique sanitaire sur les différents composants du bâti. Un reportage photographique complète le dossier.
Une cotation insalubrité a été établie pour les 86 immeubles visités : 65 immeubles sont dans un état bon ou passable (76% des immeubles), 20 immeubles sont dans un état médiocre (23%) et un immeuble en mauvais état (1%).


Des procédures et signalements engagés sur 33 immeubles

Sur les 86 immeubles expertisés en 2021, des procédures ont été engagées par le STH et des signalements faits aux acteurs de la lutte contre l’insalubrité sur 33 immeubles, soit 38% des immeubles visités (sans double compte) :

  • 15 procédures au titre du règlement sanitaire départemental (RSD) ont été engagées ;
  • 12 signalements ont été instruits par le STH au titre de la sécurité des bâtiments et relayés à un architecte de sécurité pour une expertise technique ;
  • 16 signalements ont été adressés aux services de la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL) au titre du risque saturnin ;
  • Enfin, dans 1 immeuble, une injonction de ravalement a été lancée après le passage des inspecteurs du STH.

Au vu de l’ensemble des éléments recueillis pour les 86 immeubles expertisés, les services de la Ville de Paris décident d’une stratégie de suivi pour chaque immeuble. Plusieurs types de stratégie sont possibles :

  • L’expertise de terrain et l’analyse des éléments réunis sur l’immeuble ont exclu tout risque sanitaire : il est décidé de ne plus effectuer de visite pendant un délai de 2 à 4 ans selon l’état de l’immeuble, sauf en cas de signalements des usagers. C’est le cas pour 58 immeubles parmi les 86.

  • L’expertise de terrain et l’analyse des éléments réunis sur l’immeuble ont fait ressortir des signes de dégradation. Des mises en demeure au titre du règlement sanitaire départemental (RSD) ou des demandes d’expertises bâtimentaires au Service des Architectes de Sécurité (SAS) ont été faits à l’issue des expertises lorsque cela est nécessaire : le suivi des procédures mises en œuvre engendre une surveillance des immeubles (26 immeubles).

  • Une expertise sanitaire approfondie des parties communes et des parties privatives est nécessaire et réalisée par le bureau spécialisé dans ce type d’actions au STH dans le but de transmettre un ou des rapports d’insalubrité à l’Agence Régionale de Santé (ARS), en vue de la prise d’arrêtés. Une mission confiée à un opérateur spécialisé pourra également être envisagée si le profil de la copropriété le justifie (2 immeubles).

  • Une autre stratégie est possible dans le cas d’immeubles dégradés : un diagnostic approfondi (confié à un opérateur) dans l’objectif de déterminer la pertinence d’une intégration au dispositif incitatif de l’OAHD5.

  • Enfin, à l’issue d’un long processus d’expertise, pour les immeubles où la dégradation est très avancée, une acquisition publique est possible. Cette stratégie n’a concerné aucun immeuble repéré en 2020.

À noter que l’ensemble de ces actions (questionnaire + expertise + mise en œuvre d’une stratégie + signalement) représentent environ 1,5 journée de travail par immeuble pour le STH (travail préparatoire d’identification du syndic, envoi du questionnaire et relance, expertises de terrain, rédaction d’un rapport et actions qui en découlent).

La démarche de prévention de la dégradation des immeubles du parc privé parisien, mise en place à la suite du plan de traitement de l’habitat indigne lancé en 2002, a pour but de repérer les immeubles qui ne sont pas dans un état de dégradation avancée, mais présentent plusieurs facteurs de fragilité. L’objectif est de permettre une intervention des pouvoirs publics le plus précocement possible pour éviter les situations d’insalubrité.

 

Un lien entre quartiers populaires et risque de dégradation du bâti – Revenu médian disponible par arrondissement selon le statut d’occupation

Les cartes ci-dessous présentent le revenu disponible médian des ménages par arrondissement, selon leur statut d’occupation (propriétaires occupants, locataires du parc privé, locataires du parc social). Le revenu disponible correspond au revenu après redistribution, qui prend en compte le revenu initial, augmenté des prestations sociales reçues et diminué des impôts versés.

La comparaison entre les cartes de revenu par arrondissement et la répartition géographique des immeubles identifiés par l’observatoire fait ressortir le lien entre quartiers populaires et risque potentiel de dégradation de l’habitat. Les arrondissements où les ménages résidant dans le parc privé (locataires comme propriétaires) ont les revenus les plus faibles sont aussi ceux où se situent le plus grand nombre d’immeubles « à surveiller », en particulier les 18e, 19e et 20e arrondissements. Inversement, les arrondissements qui abritent une population plus aisée comportent un nombre très limité d’immeubles repérés par la démarche de prévention, comme les 6e, 7e, 8e et 16e arrondissements. Au sein même des arrondissements, les immeubles se concentrent souvent dans les quartiers les plus populaires, comme celui des Épinettes dans le 17e arrondissement ou ceux de la Goutte d’Or et de la Chapelle dans le 18e.

En outre, on note un écart de niveau de vie important entre les différents statuts d’occupation : les propriétaires occupants ont un revenu médian 47% plus élevé que la médiane parisienne. Les locataires du parc privé ont un revenu médian presque au niveau de la médiane parisienne (-2%) tandis que les locataires du parc social se situent largement en dessous (-37%).

 

Locataires du parc privé, propriétaires et locataires du parc social © Apur - source : FiLoSoFi

¹ - Voir Apur, La lutte contre l’habitat indigne à Paris – Bilan des actions menées de 2002 à 2018, 2021. https://www.apur.org/fr/nos-travaux/lutte-contre-habitat-indigne-paris-bilan-actions-menees-2002-2018 [retour]
² - Parmi les près de 50 000 immeubles du parc d’habitat privé parisien [retour]
³ - Voir Apur, 18 600 logements durablement vacants à Paris, 2021. https://www.apur.org/fr/nos-travaux/18600-logements-durablement-vacants-paris [retour]
⁴ - Immeuble cumulant au moins 70% de logements de 1 ou 2 pièces et 70% de logements locatifs [retour]
⁵ - Un point pour les immeubles où la part des demandeurs est supérieure à 15% des ménages résidents, ce qui doit représenter au moins 5 ménages et deux points pour les immeubles comprenant au moins 3 demandeurs propriétaires de leur logement [retour]
⁶ - https://www.insee.fr/fr/statistiques/3678895 [retour]
⁷ - https://www.insee.fr/fr/statistiques/2652100 [retour]

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    Prévention de la dégradation du bâti à Paris - Résultats 2021

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